Accommodations et adaptations pour neuroatypies, troubles mentaux, maladies chroniques et handicaps

Vivre avec un handicap visible et/ou invisible, comme un trouble de santé mentale, une neuroatypie ou une condition chronique, amène son lot de difficulté. Ce n’est pas une question de motivation : la fatigue, la douleur, la surcharge sensorielle, les contraintes et/ou la paralysie exécutive rendent des actions pénibles, voire impossibles certains jours. Les adaptations et les accommodations permettent parfois de réduire ces obstacles, de rendre le quotidien plus fluide et moins épuisant. Sur le long terme, ça peut réellement faire une grande différence.
Identifier/respecter ses besoins et ses limites physiques et mentales
La première étape pour réussir à mettre en place des adaptations au quotidien, c’est d’abord d’apprendre à bien identifier ses besoins et ses limites. Ça passe par le fait de comprendre son fonctionnement et donc de s’informer sur ses conditions. Il faut accepter ses limites pour être en mesure de les respecter, pour que les besoins essentiels soient remplis en parallèle.
Nos limites sont toutes différentes en fonction de nos réalités individuelles. Certaines situations les dépassent en tout temps et sont plus faciles à identifier, mais d’autres peuvent aussi variées en fonction de l’état quotidien. Il faut donc trouver des façons d’identifier clairement lorsqu’on se rapproche d’une limite.
On peut commencer par faire une liste de toutes ces situations qui dépassent explicitement nos limites, peu importe le contexte. Par exemple, pour certain.e.s ça peut être soulever des charges lourdes, pour d’autres d’aller dans des foules, etc.
Ensuite, il faut mettre en place une manière de reconnaître les moments qui précèdent les dépassements pour ne pas s’y rendre.
Comment?
Faire une liste de signaux/symptômes précurseurs à ces dépassements.
- Sensibilité aux lumières, bruits ou odeurs
- Irritabilité
- Excitation
- Parler plus ou moins que d'habitude
- Désorganisation
- Se sentir plus émotif.ive
- Confusion
- Brouillard mental
- Mal de tête
- Douleurs corporelles
- Bouche sèche ou soif
- Fatigue
- Faiblesse dans les jambes
- Vertiges
- Changement de posture
- Yeux secs ou qui piquent
- Sentir un poids sur ses épaules ou dans le cou
- Transpiration
- Gestes répétitifs
- Etc.
Comme ça, lorsqu’on voit ces signaux, on sait qu’il faut arrêter, prendre du recul, se retirer de la situation et se reposer.
Ça peut aussi être très aidant de demander à ses proches s’iels remarquent des signaux qu’on ne verrait pas nous-mêmes, comme le fait avoir des petits yeux, une posture différente, etc. On peut ainsi impliquer les proches en leurs exprimant que s’iels en sont témoin, c'est le moment de faire preuve de vigilance.
Identifier ce qui dépasse ses limites clairement permet aussi de déléguer, de limiter les efforts et la surcharge pour préserver l’énergie et le bien-être.
Gestion de l’énergie
Prévoir des pauses régulières et des moments de repos sensoriel en amont dans la journée, même quelques minutes allongé.e sans dormir.
Planifier des journées de récupération après des activités exigeantes, mais aussi de temps à autre pour s’assurer de ne pas être en surcharge.
Essayer de trouver un rythme de sommeil régulier, parce que la fatigue amplifie toutes les difficultés.
Mettre en place des façons alternatives et accessibles de combler certaines mesures d’hygiène pour les jours plus difficiles. Utiliser des lingettes nettoyantes plutôt que de prendre une douche, du shampooing sec, du rince-bouche, etc.
Aménager l’espace de vie
Organiser son environnement de manière réfléchie aide à réduire la fatigue, limiter le désordre visuel et faciliter l’accès aux objets essentiels.
RANGEMENT ET ORGANISATION
Placer des paniers à linge dans plusieurs pièces pour éviter de laisser les vêtements sales traîner. Installer des crochets sur les murs ou des systèmes de rangement efficaces.
Ranger les objets utilisés quotidiennement de façon visible et accessible dans des endroits stratégiques.
Éviter de mettre des objets en hauteur ou trop bas pour ne pas se pencher souvent ou monter sur une chaise, ce qui réduit l’effort physique. Utiliser les espaces moins accessibles uniquement pour ce qui n’est pas utilisé souvent, ou ce qui est saisonnier.
Aménager le frigo pour que les produits frais soient toujours en avant et visibles comme dans la porte, que les produits long terme comme les condiments soient dans les tiroirs et les endroits moins visibles. Voir les techniques de rangement de frigo pour TDAH.
Prévoir des bacs de rangement et espaces dédiés par catégories, où l’on peut déposer rapidement les objets sans souci d’ordre précis, puis ranger mieux plus tard si nécessaire. Cela réduit le désordre visuel et aide la santé mentale. Les bacs peuvent être placé dans une armoire à portes fermées pour éviter la surcharge visuelle.
Prévoir aussi des espaces pour déposer les objets pêle-mêle, ce qui permet de ranger rapidement sans stress, sans penser à la catégorie.
OBJETS ET OUTILS DU QUOTIDIEN
Adapter les objets et outils du quotidien permet de réduire les déplacements et les efforts.
Avoir sur la table de chevet ou dans certaines pièces des lingettes pour se nettoyer.
Garder les médicaments à portée de main pour éviter les déplacements inutiles.
Avoir une gourde d’eau avec soi en permanence.
Prévoir des jouets ou objets sensoriels à différents endroits pour se calmer ou se réguler, notamment si l’on fait du stimming.
Avoir des chaises et fauteuils dans toutes les pièces pour se reposer (un siège de douche au besoin).
Mettre à portée de main des collations non périssables dans les pièces où l’on passe beaucoup de temps, pour ne pas devoir se déplacer ou se fatiguer inutilement.
ÉCLAIRAGE ET AMBIANCE

L’environnement sensoriel influence directement la fatigue et le bien-être.
Choisir des ampoules chaudes ou douces, ou avoir des lampes d'appoint pour gérer la lumière selon l'activité.
Créer un espace confortable avec couvertures lourdes, coussins ou stim toys, pour favoriser le calme et la récupération.
Placer des items qui rappellent les intérêts, passions et préférences pour se sentir en confiance et à l’aise dans son environnement.
Casque anti-bruit ou bouchons pour limiter les sons intenses.
Rideaux occultants.
Simplifier l’alimentation
Planifier les repas et les collations peut être épuisant, et ce n’est pas tout le monde qui a la capacité de cuisiner. Avoir des solutions rapides et faciles permet de ne pas se retrouver bloqué.e et finir par sauter des repas.
Avoir une liste de repas et collations “safe” qui sont toujours appréciés. Pour certain.e.s ça peut être lié au dégoût alimentaire, à la nausée, à l’aspect sensoriel, au niveau d’énergie, etc.
Avoir des options faciles et rapides en permanence : macaronis en boîte, riz express minute, ramens, barres tendres, compotes de fruits et yogourts individuels, bâtonnets de fromage, tartinades type houmous ou tzatziki, fromage cottage, craquelins, pizzas congelées, nuggets, noix mélangées, etc.
Préparer des aliments et collations pour la semaine à venir en mode meal prep, comme des fruits et des légumes coupés dans des plats de conservation, des snacks prêts à manger.
Pour ceux qui en ont les moyens, acheter des repas congelés ou sous-vides chez des traiteurs ou supermarchés pour éviter la cuisine.
Investir dans de l’équipement simplifié : micro-ondes, bouilloire, cuiseur à riz, robot multifonctions.
Organiser la mise en action
La paralysie exécutive rend parfois impossible le début d’une action. Fragmenter les tâches les rend plus accessibles et moins intimidantes.
Découper les tâches en petites étapes qui peuvent se faire individuellement et faire des listes de référence.
Utiliser des applications qui fragmentent en détails les tâches pour simplifier le passage à l’action.
Planifier seulement l’essentiel par jour pour éviter la surcharge.
Avoir des check-lists visibles : liste des gestes simples collée sur le frigo ou dans son téléphone.
Utiliser un minuteur et fixer des périodes de 5 minutes, puisque parfois, commencer est la partie la plus difficile lors de paralysie exécutive.
Alterner tâches légères et plus exigeantes pour équilibrer l’énergie.
Associer les tâches à quelque chose d’agréable : écouter de la musique, un podcast ou regarder une série pendant le ménage.
Pour certaines personnes, faire les tâches avec quelqu’un (body doubling) aide à commencer ou terminer. Pour d’autres, il faut au contraire prévoir des moments solo!
Routines prévisibles pour savoir quand se reposer et éviter les “crashs” de fin de journée.
Le ménage
Il est important de reconnaître que le ménage “parfait” n’est pas toujours possible ni nécessaire. Le but est surtout de garder un environnement fonctionnel et sécuritaire. De pouvoir circuler sans danger, d’éviter les accumulations qui créent du stress ou qui nuisent à la santé et d’avoir des zones accessibles pour manger, se laver et dormir. Un peu de désordre ou de poussière n’est pas un échec : c’est une adaptation normale quand on vit avec des contraintes physiques ou cognitives.
MÉTHODES, ROUTINES ET OUTILS
Faire du ménage assis : plier du linge, laver la vaisselle assis.e sur un tabouret.
Limiter les allers-retours : garder un panier pliable avec soi pour transporter les objets d’une pièce à l’autre en une seule fois.
Travailler par zones réduites.
Énergie d’abord, esthétique ensuite. Cibler ce qui impacte le confort et la sécurité (linge sale, poubelles, liquides renversés) avant ce qui est cosmétique (poussière, organisation, décoration).
Tolérer un niveau fonctionnel. L’espace de vie n’a pas besoin d’être impeccable, seulement utilisable et agréable. Accepter le désordre temporaire. Mieux vaut une pile de linge propre non plié que pas de vêtements propres. Éliminer ce qui crée de la charge inutile.
Essayer de mettre en place une routine minimale simple, efficace et accessible, avec des outils à porter de main.
Organiser les espaces pour faciliter le tout, comme avoir un bac pour mettre la vaisselle sale, un bac de recyclage.
Fragmenter le ménage, comme faire une tâche par jour (passer un coup de balai dans une pièce, vider le lave-vaisselle).
Faire une pièce à la fois pour le ménage.
Ranger par bac ou catégorie : un bac pour les papiers, un bac pour les vêtements, un bac pour les jouets. Même si tout n’est pas parfaitement rangé, le désordre visuel diminue.
Faire appel à des aides : proche, service de ménage ponctuel, ou troquer des services avec des amis/famille.
Voir pour investir dans des produits pratiques : aspirateur à main, lingettes pour surfaces, nettoyant multi-usages.
Plutôt qu’un balai, utiliser une vadrouille qu’on glisse à sec au sol.
Avoir une routine minutée : ex. “5 min pour ramasser ce qui traîne avant de se coucher”.
Utiliser des produits non parfurmés, utiliser gants, masques, casque anti-bruit pour éviter la surcharge sensorielle.
Utiliser du soutien externe
L’aide extérieure permet de réduire la charge quotidienne et de se concentrer sur l’essentiel.
Demander l’aide de proches pour les tâches difficiles ou engageantes. Fixer des moments clairs, par exemple un proche qui vient une fois par semaine pendant une heure pour faire du ménage.
S'informer auprès de ses proches, si certain.e.s cuisinent des grandes portions familiales, s’iels peuvent donner ou vendre une portion.
Engager des aides ménagères ponctuelles ou régulières si possible financièrement.
Vérifier les services offerts par les ressources locales et organismes, comme l’aide à domicile ou l’accompagnement administratif et professionnel.
Faire livrer épicerie, médicaments et autres nécessités à domicile pour éviter les déplacements fatigants.
Faire une liste des tâches déléguables (ménage, lessive, appels, courses).
Faire des Fiches “mode d’emploi de la maison” (où sont les produits, quel programme de laveuse, quoi faire en 15 min).
Établir des créneaux fixes (ex. aide 2h/sem., livraison médicaments mensuelle).
Essayer le Body-doubling à distance (appel vidéo silencieux avec un.e proche pendant 30–60 min).
Communiquer clairement ses besoins et limitations
Essayer d’expliquer ses contraintes permet à l’entourage de comprendre et de respecter la situation, tout en évitant la culpabilité. Préparer des phrases simples et claires à répéter au besoin sur ses conditions de santé et indiquer les limitations sans les minimiser.
Dire par exemple :
« Mes difficultés sont invisibles mais elles sont bien réelles et handicapantes. »
« Aujourd’hui je ne peux pas, mais je peux te proposer un autre moment quand j'aurai l'énergie. »
« J’ai besoin de pauses régulières pour pouvoir fonctionner. Certaines tâches me demandent plus d’énergie à cause de ma condition. »
« Même si aujourd'hui j'ai l'air bien, mes difficultés sont toujours présentes et font partie de ma réalité au quotidien. »
« Ça dépasse mes limites, si je continue il y aura un impact sur ma santé. ».
« Quelque chose qui te semble facile ne l'est pas nécessairement pour moi. ».
C’est difficile dans notre société de s’affirmer ainsi, mais en étant explicite sans chercher à se justifier auprès de nos proches, on finit par s’améliorer à mieux définir nos limites. C’est exigeant au début, mais c’est de plus en plus naturel par la suite si on réussit à s’entourer de personnes qui nous respectent.