J'ai peur

Tu te sens pas bien. Une douleur vive t’afflige la couenne jusqu’au plus profond des os. Une tristesse amère plane au dessus de ta carcasse, qui se fait aller l’anxiété de tous bords tous côtés. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Tu irais même jusqu’à dire que ça tourne carré en sacrament sur des gros pics pointus qui te procurent pas ben ben de plaisir.

Ta gorge serrée te hurle de l’abreuver, tes poumons cessent de respirer, l’eau s’écoule par les pores de ton derme qui devient un peu rouge bleu mauve. Tu l’sais plus trop. Les couleurs s’éloignent et semblent vouloir partir en vacance avec ta chère santé, qui s’fait rare depuis qu’elle a décidé de sacrer son camps il y a quelques temps. Tout ce que t’apprécies dans la vie a l’air d’aimer ça te déserter pour te laisser sécher avec ta peur de crever toute seule.

Tu te sens seule.

Seule avec tes bobos qui se promènent et migrent d’un bord pis de l’autre comme s’ils jouaient à la cachette en trichant pis en changeant tout l’temps de place. S’ils pouvaient juste s’installer quelque part pour que tu les traques une bonne fois pour toute, pour qu’on arrête de te dire que tes bobos, ils sont dans ton cerveau. 

Ta tête. Cette affaire qui tourne continuellement sans même bouger. Celle qui se déplace lentement à la recherche d’une foutue blessure à blâmer. Un mot. Un diagnostic. Juste un p‘tit quelque chose pour que tout devienne plus clair à travers cet esti de grand océan qui semble rire de ta gueule en te niaisant.

Pis là tu cherches. Tu passes des tests. On te répète que t’as rien nulle part. Que tes scans sont beaux.

Sauf que t’as encore mal, pis pas rien qu’un peu à part de ça.

Un feeling diffus qui valse pour conspirer contre ta santé. Tu l’sais ça, c’est pas pour rien qu’elle est partie celle-là. Elle était clairement écoeurée que l’criss de s’faire bitcher all day everyday pis d’se faire planter des couteaux dans le dos.

Y’as-tu quelqu’un qui pourrait enfin te dire c’est quoi qui te déchire l’intérieur de même? C’est-tu si compliqué que ça?

Tu finis par retourner à l’urgence parce que t’as l’impression que tes organes vont exploser, sauf qu’on te dit plutôt que t’as fuck all rien nulle part.

Ben voyons donc.

T’as mal à la tête, tu dors pas bien, ton coeur palpite constamment, t’as trop froid, t’as trop chaud, ton ventre capote, tes cacas sortent pas ou sortent crissement trop, ta peau pique, tu vois des points noirs, t’as jamais faim, t’as un trou au milieu de la poitrine, tu vomis souvent, tu pleures tout l’temps, tu te sens seule, t’es triste, t’es vide de toute énergie pis de motivation, t’es tannée qu’on te considère pas, t’as peur qu’on t’abandonne.

Tu as peur.

La peur te ronge les journées. Elle a remplacé l’air que tu respires. Elle côtoie les heures qui défilent. Elle marche à tes côtés pis se faufile hypocritement en toi dès que l’occasion se présente a.k.a. 24 heures sur 24.

T’as l’impression d’avoir aucun contrôle sur ta vie entière. Tu comprends pas pourquoi tout va si mal tout l’temps. Tu veux trouver la raison derrière tes jours gris, dénicher ce qui cause les difficiles épreuves qui t’attaquent.

Si c’est pas le cancer, un ulcère ou une infection urinaire, c’est quoi alors?

Il faut que ce soit une vraie maladie répertoriée dans les livres sérieux. Comment pourrais-tu accepter le fait qu’aucun problème physique ne t’affecte? C’est pas possible. Pas avec toutes ces affaires que tu ressens.

Pis en plus, on te répète depuis cent mille ans que c’est la pire des choses du monde d’avoir une tête malade. T’es pas de même, toi. Y faut pas. 

T’es-tu de même?

Tu penses en secret des fois que c’est peut-être le cas. T’oses pas le dire à voix haute pour pas que ça devienne concret en un claquement de doigt.

Toutes ces personnes qui insinuent que ce monde-là sont toutes des fuckés, des fous, des bizarres, des dangereux, des imprévisibles, des violents, des colériques, des irrécupérables. Que c’est définitivement cette gang-là qui sont derrière tous les crimes de l’humanité, responsable des meurtres pis des attentats, des révoltes pis des guerres. Que c’est la pire honte d’être de même. 

Qui c’est qui voudrait ben être associé à tout ça? Personne, pis certainement pas toi.

Mais t’es pas de même, toi. T’es pas fuckée. T’es pas folle. T’es pas bizarre, ni dangereuse, ni imprévisible. T’es pas raciste, t’es contre les guerres. T’as jamais fait de mal à personne, ni jamais commis de crime.

À part quand t’as essayé de voler une petite bulle de savon à la pharmacie quand t’avais 4 ans, mais ça, c’est une autre histoire. Sinon, rien pantoute. Jamais.

Si t’es pas comme ça, comment ça s’fait que le monde à l’hôpital n’arrête pas de te dire qu’il y a de fortes chances que ce soit ta santé mentale qui feel pas, d’abord?

Peut-être parce que c’est pas vrai tout ce qu’on entend pis qu’on dit tout l’temps sur les personnes touchées par des troubles mentaux? Peut-être que c’est juste parce que ce sont des bonnes personnes, dans le fond?

Peut-être que c’est parce que tout ces gens-là sont corrects. Parce qu’y sont sympathiques, drôles, agréables pis uniques.

Ouin, t’as peut-être un trouble de santé mentale finalement. 

Pis le monde comme toi, y sont vraiment importants. Leurs vies pis leur bien-être valent quelque chose de grand.

Y méritent juste d’être écoutés, d’être respectées pis d’être aimés. Jamais d’être jugés. 

Pareil comme toi.

#30JoursDeFoliesPassagères

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